Olympe de Gouges
Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, est née le 7 mai 1748 à Montauban et morte guillotinée le 3 novembre 1793 à Paris.
Femme de lettres française, politisée, elle est considérée comme une des pionnières du féminisme français.
Elle est notamment l’autrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, et a laissé de nombreux écrits et pamphlets en faveur des droits civils et politiques des femmes ainsi que de l’abolition de l'esclavage.
A partir de la fin du 20ème siècle, elle est devenue l’une des personnalités emblématiques des mouvements pour la libération des femmes.
Femme engagée, belle figure humaniste de la fin du 18ème siècle, elle n’a pourtant été redécouverte que récemment comme précurseur dans l’histoire des idées.
Enfance
Le jour de sa naissance, le 7 mai 1748 à Montauban, Marie Gouze a été déclarée fille de Pierre Gouze, bourgeois de Montauban maître boucher, qui n’a pas signé au baptême car absent, et d’Anne Olympe Mouisset, fille d’un avocat issu d’une famille de marchands drapiers. Ses parents se sont mariés en 1737.
Mais selon de nombreuses sources, son vrai père serait l’amant de sa mère, le noble Jean-Jacques Lefranc (ou Le Franc), marquis de Pompignan, dit Lefranc de Pompignan, né le 10 août 1709 à Montauban, également poète.
On en sait peu sur son enfance. Elle a une sœur aînée. Elle reçoit une très bonne éducation.
Mariage et maternité
Le 24 octobre 1765, à 17 ans et demi, Marie Gouze épouse Louis-Yves Aubry, officier de bouche de l’intendant de la généralité de Montauban et probablement important client de la boucherie des Gouze. Ils se marient à l’église Saint-Jean-Baptiste de Villenouvelle, à Montauban.
Elle devient ainsi Madame Aubry. Il s’agissait apparemment d’un homme grossier et inculte, et Marie n’avait nullement l’air satisfaite de ce mariage. Quelques mois plus tard, la jeune femme donne naissance à un fils, Pierre. Mais son mari meurt peu après en 1766, emporté par une crue du Tarn. Marie décide de ne jamais se remarier, qualifiant le mariage religieux de « tombeau de la confiance et de l'amour ». Mais elle aurait apparemment aussi pensé à conserver ainsi sa liberté de publication, car à l’époque la loi française interdisait aux femmes auteurs de publier un ouvrage sans le consentement de leur époux.
Elle varie également souvent sa signature : entre Madame Aubry, avec les prénoms de « Marie-Olympe » (signant plusieurs textes ainsi) ou simplement « Olympe ». Elle ajoute ensuite une particule à son patronyme officiel « Gouze », parfois écrit « de Gouges ».
N’ayant plus que sa mère à Montauban, elle décide de rejoindre sa sœur aînée à Paris.
A Paris
Au début des années 1770, Marie Gouze vit donc à Paris avec son fils à qui elle fait donner une éducation attentive. Elle change officiellement son nom pour Olympe de Gouges.
Elle refuse toujours de se marier mais rencontre un haut fonctionnaire de la marine, Jacques Biétrix de Rozières, alors directeur d’une puissante compagnie de transports militaires en contrat avec l’État. Leur liaison durera jusqu'à la Révolution. Il lui offre un soutien financier, ce qui lui permet de mener un train de vie aisé, figurant dès 1774 dans l’Almanach de Paris ou annuaire des personnalités.
Elle habite rue des Fossoyeurs, aujourd’hui rue Servandoni, dans le 6e arrt.
Elle fréquente les salons, notamment littéraires, et fait la rencontre de plusieurs hommes de lettres. Elle commence alors à écrire.
Son père présumé, Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, est devenu dramaturge et sa pièce ‘Didon’ emporte un grand succès, ce qui aurait également motivé Marie / Olympe.
Mais, réputée pour sa vie luxueuse et ses amants, elle est considérée comme une courtisane ou libertine.
Les débuts en écriture : un théâtre politique
Olympe de Gouges s’intéresse particulièrement au théâtre, un art pourtant alors réglementé par la cour. Malgré tout, elle écrit et monte sa propre troupe, avec décors et costumes, dont fait partie son fils, le jeune Pierre Aubry. Il s’agit d’un théâtre itinérant qui se produit à Paris et sa région.
Selon le marquis de la Maisonfort dans ses Mémoires, il aurait racheté le « petit théâtre » d’Olympe de Gouges en 1787, conservant d'ailleurs une partie de la troupe.
Son théâtre est politique. Elle se fait remarquée par la pièce titré ‘L’Esclavage des noirs, ou l’heureux naufrage’, publié sous ce titre en 1792 mais inscrite au répertoire de la Comédie-Française le 30 juin 1785 sous le titre de ‘Zamore et Mirza, ou L’heureux naufrage’. Ce texte est imprégné d’une utopie humaniste et lui vaut des menaces de mort, notamment de la part de propriétaires d’esclaves.
Son but avoué était d'attirer l'attention publique sur le sort des esclaves africains des colonies, mêlant modération et subversion dans le contexte de la monarchie absolue.
Le « Code noir » édicté sous Louis XIV reste en effet en vigueur, de nombreuses familles présentes à la cour tirant une grande partie de leurs revenus des denrées coloniales, qui représentent la moitié du commerce extérieur français à la veille de la Révolution.
Sa pièce est jouée mais menacée. Finalement, le baron de Breteuil et le maréchal de Duras, membres de la Chambre et ministres, parviennent à faire envoyer Olympe de Gouges à la Bastille et à faire retirer sa pièce anti-esclavagiste du répertoire du Français.
C’est seulement grâce à ses diverses protections, notamment celle de chevaliers proches du roi, la lettre de cachet est révoquée.
Pamphlets politiques, anti-esclavagistes, sociaux et féministes :
En février 1788, Olympe de Gouges publie également un essai, ‘Réflexions sur les hommes nègres’. Ce texte la met en contact avec la société des amis des Noirs, même si elle ne peut en devenir membre (les cotisations sont trop élevées et son règlement intérieur est très exclusif).
Extrait du texte: « L’espèce d’hommes nègres m’a toujours intéressée à son déplorable sort. Ceux que je pus interroger ne satisfirent jamais ma curiosité et mon raisonnement. Ils traitaient ces gens-là de brutes, d'êtres que le Ciel avait maudits ; mais en avançant en âge, je vis clairement que c’était la force et le préjugé qui les avaient condamnés à cet horrible esclavage, que la Nature n’y avait aucune part et que l’injuste et puissant intérêt des Blancs avait tout fait. »
En 1788, deux brochures politiques d’Olympe de Gouges paraissent dans le Journal général de France :
sur son projet d’impôt patriotique, développé dans sa ‘Lettre au Peuple’.
un vaste programme de réformes sociales et sociétales, dans la seconde, les ‘Remarques patriotiques, par l’auteur de la Lettre au Peuple’.
Elle défend le principe d'une monarchie constitutionnelle.
Suivront de nouvelles brochures adressées aux représentants des trois premières législatures de la Révolution, aux Clubs patriotiques et à dierses personnalités dont Mirabeau, La Fayette et Necker.
En 1789 débute le Révolution française.
Avec elle, la Comédie-Française devient plus autonome, grâce notamment à Talma et Thérèse Vestris.
L’approche d’Olympe reste pour l’instant « monarchienne », pour une monarchie constitutionnelle sur le modèle de Westminster, en Grande-Bretagne, pour une égalité entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif du roi des Français.
La pièce d’Olympe sur l’esclavage sera inscrite, quatre ans après son écriture, au répertoire, et enfin représentée.
Dans le conflit opposant les Girondins aux Montagnards, elle s’engage d’abord pour les seconds contre les premiers ; puis changera d’avis en 1792.
Mais malgré les changements politiques, l'idéologie coloniale perdure…
Olympe de Gouges reste soutenue par des amis de la Société des amis des Noirs, mais subit harcèlement, pressions et menaces.
En 1790, elle quitte le ‘Français’, et écrit une seconde pièce abolitionniste, ‘Le Marché des Noirs’, proposée sans succès aux salles parisiennes.
La même année, elle s’installe à Auteuil, dans la rue du Buis, où elle demeurera jusqu’à sa mort en 1793.
‘Déclaration des droits de la femme’
En 1791, elle publie sa ‘Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne’, où elle plaide pour le remplacement du mariage patriarcal par un « Contrat social de l’homme et de la femme », acceptant le principe du divorce.
Cette déclaration se veut un projet de texte législatif français, exigeant la pleine assimilation légale, politique et sociale des femmes. Rédigé le 14 septembre 1791, sur le modèle de la ‘Déclaration des droits de l'homme et du citoyen’ proclamée le 26 août 1789, elle est publié dans la brochure ‘Les Droits de la femme’, et adressée à la reine.
Olympe de Gouges y donne également son avis sur l’infériorisation des mulâtres, issus de relations illégitimes entre une esclave et un blanc, par les Blancs – extrait :
« Les Colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et les frères ; et méconnoissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang. Ces colons inhumains disent : notre sang circule dans leurs veines, mais nous le répandrons tout (sic), s’il le faut, pour assouvir notre cupidité, ou notre aveugle ambition ».
En mars 1792, elle réussit à faire éditer le texte de sa première pièce, grâce à l’élection à la mairie de Paris en novembre 1791 de Jérôme Pétion, un Jacobin, membre actif de la société des amis des Noirs.
Evolution républicaine
Cette année-là, sa position politique évolue : elle penche pour le républicanisme.
Fin novembre 1792, elle écrit une pièce de théâtre républicaine, ‘La France sauvée ou le tyran détrôné’, qui se déroule la veille du 10 août 1792.
Elle continue de militer pour la réforme du mariage et le droit au divorce.
Elle considère que les femmes sont elles aussi capables d’assumer des tâches traditionnellement confiées aux hommes. Dans pratiquement tous ses écrits, elle demande qu’elles soient associées aux débats politiques et aux débats de société.
Condamnation à mort
En 1793, Olympe de Gouges s’en prend aux traîtres de la Révolution, notamment ceux jugés responsables des massacres des 2 et 3 septembre 1792. Elle écrit : « Le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions ». Elle désigne particulièrement Marat, qu'elle traite d’« avorton de l’humanité », et Robespierre, selon elle « l’opprobre et l'exécration de la Révolution », qu’elle soupçonne d’aspirer à la dictature. Elle interpelle ce dernier dans plusieurs écrits…
Elle conteste la montée en puissance du parti Girondin.
Mais Olympe de Gouges est arrêtée le 20 juillet 1793. Le surlendemain, elle est condamnée à mort : son exécution est prévue pour le 2 novembre.
Dans un denier acte de courage, elle invoque sa pièce ‘L'Esclavage des Nègres’ comme preuve de son patriotisme et de son combat de toujours contre la tyrannie.
Son propre fils, devenue l’adjudant général Pierre Aubry de Gouges, par crainte d’être inquiété, la renie publiquement. Il deviendra commandant en Guyane sous Napoléon, qui rétablit l’esclavage… Ses filles épouseront des colons et propriétaires de plantations de Virginie.
Elle meurt à 45 ans.
Postérité
Jusqu’au milieu du 20ème siècle, très peu d’études sérieuses seront publiées sur elle. Elle reste longtemps mal-aimé en France.
Mais après la fin de la Seconde Guerre mondiale, son histoire est étudiée aux États-Unis, au Japon et en Allemagne, où son indépendance d'esprit et ses écrits font d'elle une des figures de la fin du 18ème siècle et où elle est considérée comme la première féministe française.
La première biographie sur elle en France paraît en 1981, écrite par Olivier Blanc, qui a exhumé des sources manuscrites, entre autres notariales.
Puis, lors de la préparation du bicentenaire de la Révolution de 1789, des textes d'Olympe de Gouges ont été joués et édités.
Sur le plan universitaire, de nombreux articles sont publiés sur elle à l’étranger, notamment ceux de Gabrielle Verdier (États-Unis) et de Gisela Thiele-Knobloch (Allemagne). Ils ont mis en valeur l’intérêt de son œuvre dramatique, qui aborde des thèmes nouveaux comme :
- l’esclavage (Zamore et Mirza),
- le divorce (Nécessité du divorce),
- la prise de voile forcée (Le Couvent)
- et d’autres sujets sensibles à son époque.
A partir de 1989, l’historienne Catherine Marand-Fouquet, milite pour la panthéonisation d’Olympe de Gouges. Sans succès.
De nombreuses municipalités françaises ont rendu hommage à Olympe de Gouges en donnant son nom à des établissements scolaires, des voies publiques, des bâtiments publics.
La ville de Montauban a rebaptisé son théâtre Olympe-de-Gouges.
Ses œuvres
Elle a au total écrit plus d’une vingtaine de pièces de théâtre et encore plus d’essais politique.
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